La prévention : Il s'agit d'agir en amont pour diminuer le risque d'exposition ou l'exposition du salarié à des risques identifiés.
C’est la méthode la plus efficace et la seule envisageable pour les risques à long terme (risques CMR). Elle est moins coûteuse et plus facile à mettre en œuvre, quel que soit le risque, qu'un système de soins et de compensation financière des victimes.
La prévention primaire doit donc impliquer les concepteurs de machines ou de procédés, qui ne sont que très rarement ceux qui devront payer les soins et les indemnités liées aux accidents et aux maladies qui découlent d'une conception ne prenant pas en compte l'absolue nécessitée d'adapter le travail à l'homme et non pas l'inverse.
L'OMS distingue trois niveaux de prévention.
La prévention passe par exemple par
Lourdement marquée par le double modèle du conseil de révision (notion d'aptitude) et des Charbonnages de France (détection précoce des maladies pulmonaires), la médecine du travail telle qu'elle s'est imposée en France a été instituée par la loi du 11 octobre 1946 pour toutes les entreprises du secteur privé au bénéfice de leurs salariés. Fondé sur le diagnostic des maladies professionnelles et fortement médicalisé dès sa création, le système a, pendant de nombreuses années, eu tendance à mettre la prévention au second plan.
Tout d'abord conçue pour les employés et les ouvriers du secteur industriel, l'obligation a été étendue à tous les salariés du secteur agricole et aux exploitants volontaires par la Loi du 26 décembre 1966. Dans ce secteur, c'est la Mutualité Sociale Agricole (MSA) qui assure la prise en charge des exploitations et de leurs salariés. Les médecins du travail exerçant dans le secteur agricole peuvent être titulaire soit d'un diplôme de spécialiste en médecine du travail (DES), soit d'un diplôme de l'Institut National de Médecine Agricole.
L’obligation de la médecine du travail a progressivement été étendue à d'autres secteurs d'activité:
La France est pratiquement le seul pays (avec la Belgique) où la quasi-totalité des salariés est assujettie (au moins en théorie) à une surveillance médicale au travail. Elle est aussi le seul pays où existe la notion juridique d’aptitude médicale au travail. Cette singularité qui n’a jamais fait preuve de sa pertinence en termes de prévention est actuellement très contestée et une réforme est à l’étude.
La directive européenne 89/391/CEE du 12 juin 1989 a introduit une approche de prévention avec un abord collectif de la santé au travail et la France a été mise en demeure de se mettre en conformité avec ces obligations sur deux points essentiels :
Ces dispositions, confirmées par la réforme de juillet 2004, ont incité les Services de santé au travail à recruter des professionnels compétents dans ces différents domaines et agissant sous la responsabilité des médecins du travail. Ces professionnels pouvant demander une habilitation d'intervenant en prévention des risques professionnels (IPRP) délivrée par un collège régional constitué de représentants de la sécurité sociale (CRAM), de l'organisme de prévention du bâtiment (OPPBTP) et de l'agence régionale pour les conditions de travail (ARACT).
Fin 2007 un rapport a été rendu au gouvernement pour faire le point sur l’application de la réforme. Une seconde réforme a été annoncée en juin 2008 et devrait être formulée avant la fin de l'année 2008.
Le cadre institutionnel au sein duquel s'organise, le système français de santé au travail est particulièrement complexe.
Historiquement l'agrément des services de médecine du travail a toujours dépendu du ministère du travail qui est leur ministère de tutelle, et non au ministère de la santé. En cas de recours contre l’avis du médecin du travail c’est l’Inspection du travail qui est saisie par l’employeur ou le salarié.
Depuis les années 2004-2005, le cloisonnement strict entre santé au travail et santé publique tend à s’estomper. Même si la santé au travail est financée par les employeurs et non par l’état, il est maintenant admis que son action s'articule avec celle des plans de santé publique : Plan cancer (avec un volet cancers professionnels); Plan santé environnement (avec un volet environnement de travail); Plan sécurité routière (avec les accidents de trajet et de mission), etc. Depuis 2005, la Santé au travail dispose d'ailleurs d'un Plan santé travail national, placé sous la responsabilité du ministère du Travail et décliné en région sous forme de Plan régional santé travail (PRST).
Le médecin du travail est un Docteur en médecine qui a choisi de se spécialiser en pathologie professionnelle et hygiène industrielle.
Il est titulaire d'un diplôme d'études spéciales (DES) de médecine du travail. L'accès à la formation se fait par la voie du concours de l'internat puis 4 années de formation théorique et pratique après le tronc commun de 6 ans. Il a souvent suivi des formations complémentaires : en ergonomie, toxicologie, psycho-dynamique du travail, épidémiologie, radioprotection, toxicologie, médecine aérospatiale, etc. ou un médecin généraliste avec un diplôme universitaire ou un certificat de médecine de travail.
Le rôle du médecin du travail est exclusivement préventif. Il consiste à « éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail notamment en surveillant leurs conditions d'hygiène au travail, les risques de contagion et leur état de santé » (Code du travail - Article L. 4622-3) et donc aussi à limiter le risque d'accident du travail.
Pour remplir cette mission, les activités du médecin du travail sont réparties entre des examens médicaux et des actions en milieu de travail qui doivent représenter un tiers de son temps de travail effectif (visites d'entreprises, évaluation des risques professionnels, propositions d'aménagement de poste, etc.). Les actions de prévention mises en place par le médecin du travail peuvent concerner une situation individuelle ou revêtir un aspect collectif.
Le médecin du travail est le conseiller du chef d’entreprise, des salariés, des représentants du personnel, du comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Ses conseils peuvent porter sur l’amélioration des conditions de vie et de travail dans l’entreprise, l'adaptation des postes, des techniques et des rythmes de travail à la physiologie du corps humain, la protection des salariés contre les nuisances, notamment les risques d’accidents du travail ou l’utilisation de produits dangereux.
Le médecin du travail est soumis au secret médical conformément au code pénal (article 226-13, au code de santé publique (article L.1110-4), au code de déontologie (article 4).
Le médecin du travail est soumis au secret de fabrication conformément (article L. 1227-1 du code du travail).
Quel que soit l'environnement où il opère, son indépendance professionnelle est garantie par la Loi et par la déontologie médicale.
En France, l'organisation et le financement de la médecine du travail est obligatoirement assuré par les employeurs. Toute entreprise du secteur privédoit avoir accès à un médecin du travail, soit en créant son propre service de santé au travail (c'est le Service autonome, obligatoire si la taille de l'effectif des salariés atteint 2 200 salariés ou nécessite 2 134 examens médicaux annuels, soit en adhérant à une association de santé au travail (c'est alors un Service interentreprises).
Lorsque l'entreprise est d'une taille suffisante, elle doit organiser elle-même le suivi santé travail de ses salariés. On parle alors de Service autonome. Dans ce cas, le chef d’entreprise est responsable de l'organisation et le médecin du travail est salarié par l’entreprise. Un agrément, révisable tous les 5 ans, est délivré par le directeur régional du travail et de l’emploi, après avis du Médecin Inspecteur Régional du Travail et de la Main d’Œuvre (MIRTMO).
Selon que l'entreprise compte un ou plusieurs établissements, le service autonome est un service de santé au travail d’entreprise, un service de santé au travail d’établissement ou un service de santé au travail interétablissements d’entreprise.
La plupart des entreprises - toutes celles qui n'ont pas la taille suffisante pour disposer de leur propre médecin du travail - accèdent à la médecine du travail par l'intermédiaire d'un Service interentreprises de santé au travail.
La Loi dispose que ces Services doivent être organisés par les employeurs réunis en association. Le fonctionnement de ces associations est donc le fonctionnement classique d'une association loi 1901 : assemblée générale des adhérents, ordinaire ou extraordinaire, élection d'un conseil d'administration, désignation d'un bureau. Les services de santé au travail sont donc des organisations à but non lucratif dotées d’une autonomie financière (assurée par les cotisations versées par les entreprises adhérentes). Elles sont dotées d'une personnalité civile et ont pour objet exclusif la pratique de la santé au travail (médecine du travail).
Étant donné le caractère particulier de l'activité confiée à ces associations, le législateur a pondéré le fonctionnement associatif classique en y introduisant une dose de contrôle social.
Depuis toujours, l'action des conseils d'administration est supervisée par une commission de contrôle au sein de laquelle 2/3 des sièges sont réservés aux salariés des entreprises adhérentes représentant les syndicats du bassin d'emploi. Depuis 2004, les comptes de toutes les associations interentreprises doivent en outre être certifiés par un commissaire aux comptes.
Le contrôle social a encore été renforcé par la réforme de juin 2004, qui stipule que les conseils d'administration doivent obligatoirement comporter 1/3 d'administrateurs salariés des entreprises adhérentes, issus de la commission de contrôle et représentant les syndicats du bassin d'emploi.
Dans un souci de transparence et pour permettre au conseil d'administration et à la commission de contrôle d'entendre l'avis des professionnels sur les sujets qui les concernent, les médecins du travail, représentés par leurs délégués de secteur, assistent avec voix consultative aux réunions de ces deux instances.
Du point de vue de la prévention, la Loi institue également, dans chaque Service interentreprises, une commission médico-technique qui constitue le lieu d'échanges entre les médecins du travail et les autres professionnels de prévention présents dans le service au titre de la pluridisciplinarité (ergonomes, toxicologues; ingénieurs hygiène et sécurité, psychosociologues du travail, etc.). Les travaux, avis et recommandations de la commission médico-technique sont transmis à la commission de contrôle.
Enfin, la Loi garantit l'indépendance médicale et technique du médecin du travail. La commission de contrôle, en particulier, a un droit de regard sur l'embauche et le licenciement des médecins du travail et s'assure qu'ils ne subissent pas de pression dans l'exercice de leur métier.
L'État exerce lui aussi un contrôle des services de santé au travail à travers la direction régionale du travail (DRTEFP).
Tutelle - La DRTEFP est notamment destinataire de tous les comptes rendus de réunions (conseil d'administration, commission de contrôle, assemblée générale, rapports annuels financiers et d'activité, commission médico-technique) et peut ainsi s'assurer de la bonne gestion de l'association et du bon fonctionnement des institutions qui assurent la gouvernance du service.
Agrément - Périodiquement, le fonctionnement et l'organisation du service sont soumis à un audit effectué par le médecin inspecteur régional du travail et de la main d'œuvre qui peut, pour ce faire, demander à être assisté par un inspecteur du travail. Sur la base de leur analyse et une fois pris l'avis des professionnels et des différentes commissions concernées, ils remettent au directeur régional du travail une recommandation pour le renouvellement de l'agrément qui permet à l'association interentreprises de continuer à exercer ses missions de santé au travail au bénéfice de ses adhérents. L'agrément est généralement délivré pour une durée de 5 ans. Depuis 2004, la DRTEFP peut accorder au service un agrément provisoire d'un an non renouvelable, assorti de conditions qui doivent être prises en compte pour l'obtention de l'agrément inconditionnel de 5 ans.
Depuis la création de l'institution, plusieurs décrets d'application ont fait évoluer les modalités pratiques de sa mise en œuvre. La partie législative est codifiée à l'article L. 241-1 et suivants du code du travail et la partie réglementaire à l'article R. 241-1 et suivants du code du travail.
Dans les dix dernières années, la responsabilité de l'État en matière de santé au travail a été clairement mise en cause et confirmée en 2007 par la commission parlementaire sur "le scandale de l'amiante". L'émergence de cette exposition sur le lieu de travail comme un véritable problème de santé publique l'a contraint à se positionner sur ce terrain et à développer son implication dans la santé et la sécurité des travailleurs.
Les différents plans récemment mis en place par l'État n'ont pas encore pu monter leur efficacité (plan national et régionaux santé environnement, plan national et régionaux santé au travail, ...). Dans certain cas, les déclinaisons régionales ne sont pas encore effectuées. On peut penser que l'inefficacité de ces plans justifie en 2007 la mise en place très médiatisée du "Grenelle de l'environnement" et de la "Conférence sur les conditions de travail".
Intervenant six ans après la précédente réforme (celle de juin 2004), un projet de loi pourrait encore modifier, courant 2010, le système français de médecine du travail en relation avec le contexte plus global de la santé publique. Cette "réforme de la réforme" a été effectivement lancée, le 27 juin 2008, par M Xavier Bertrand, alors Ministre en charge du travail, dans le cadre de la seconde conférence sociale sur les conditions de travail, convoquée le 27 juin 2008, un premier bilan des actions lancées depuis octobre 2007 a en effet été réalisé et le thème "prioritaire" de la réforme de la médecine du travail a été abordé.
Dans la continuité des travaux d’évaluation des réformes engagées depuis 2000 et notamment de l’avis du Conseil économique et social du 26 février 2008, l’objectif des orientations soumises par le Gouvernement à la concertation des partenaires sociaux est de "promouvoir une politique de la santé au travail plus efficace par la promotion de la prévention et de permettre des actions collectives plus efficaces pour tous les salariés, adaptées à leur situation de travail ainsi que des suivis particuliers ciblés sur ceux qui en ont le plus besoin". Le Ministre a évoqué la possibilité de "faire du sur mesure en fonction des besoins" en optimisant le temps médical et en renforçant le développement de la pluridisciplinarité (ergonomes, ingénieurs sécurité, psychologues, toxicologues, infirmiers du travail, assistantes sociales).
Ces projets devront intégrer le départ en retraite - entre 2007 et 2012 - de 1.700 médecins du travail (alors que seuls 370 nouveaux auront été qualifiés à la même période, selon la sénatrice Marie-Christine Blandin, qui note aussi que "les employeurs peu vertueux et récidivistes voient les dispositions dissuasives de doublement des sanctions disparaître du nouveau code" et que, quand la France "transpose l’annexe 1 de la directive européenne « Cancérogènes et mutagènes », elle ne retient pas certaines filières reconnues par le CIRC (Centre International de Recherches sur le Cancer) dont – excusez du peu – les fonderies de fer et d’acier, les métiers de peinture, l’industrie du caoutchouc !"
Mandat LARCHER
M. LARCHER, alors ministre en charge du Travail a commissionné en 2007 plusieurs rapports concernant la médecine du travail. Celui des Professeurs CONSO et FRIMAT (sur les progrès de la première réforme) et celui de M GOSSELIN (sur le régime de l'aptitude) semblaient avoir posé des bases solides et pragmatiques pour la poursuite de la réforme. Contestés par certains syndicats de professionnels et par une partie des partenaires sociaux, ils continuent cependant à faire référence dans la masse des recommandations accumulées ces dernières années.
'Réforme de la médecine du travail'
Rendu au ministre chargé du travail en octobre 2007, ce rapport établi par Françoise CONSO et Paul FRIMAT a été cosigné par l’Inspection générale des affaires sociales et l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche.
'Aptitude médicale'
Le rapport sur “l’aptitude et l’inaptitude médicale au travail”, rédigé par M. GOSSELIN en 2007, concluait : “trop occupée à une surveillance individuelle de la santé des salariés conçue principalement, selon les textes en vigueur, comme la vérification régulière de l’aptitude au poste de travail, la médecine du travail ne parvient pas à jouer le rôle qu’on attend d’elle dans l’entreprise. Le système de surveillance médicale organisé autour de la constatation périodique de l’aptitude du salarié a atteint ses limites”.
'Santé publique'
Un rapport relatif aux “disparités territoriales des politiques de prévention sanitaire” a été présenté au ministre de la Santé par André FLAJOLET, député du Pas-de-Calais. Il recommande - entre autres - de “réorganiser la médecine du travail sur une mission de prévention globale collective en lien avec la santé environnementale, de transférer la gestion des Services des entreprises vers les CRAM et de régionaliser le pilotage des Services”. Le rapport propose de réorganiser les Services en tirant parti de la baisse du nombre de médecins ; de recruter des infirmières et de créer de nouveaux métiers pour renforcer la prévention; de repenser la formation des professionnels; de recentrer les médecins du travail sur la préservation de la santé en cas de risques forts, rétablir la santé dégradée des salariés ou les réinsérer au retour de maladie ; de passer du curatif à la prévention globale en lien avec les IPRP et avec les médecins traitants ; de cibler les visites sur les personnes qui en ont le plus besoin ; de réaffirmer des objectifs prioritaires de santé publique ; d’intégrer les données de la santé environnementale et mutualiser les études sur les polluants potentiels ; de créer le lien avec le médecin traitant en réintégrant le médecin du travail géré par la CRAM - et non plus par l’employeur - dans le partage des informations médicales ; de désigner un opérateur national compétent pour mutualiser et diffuser les bonnes pratiques de prévention au travail ; enfin, d’intégrer la médecine du travail dans la prévention globale sous l’autorité des futures agences régionales de santé.
'Initiative sénatoriale'
Le 23 octobre 2007, le groupe communiste du Sénat a déposé une proposition de loi “visant à améliorer la santé au travail des salariés et à prévenir les risques professionnels auxquels ils sont exposés”. Le titre VI propose de réformer la médecine du travail en instituant une Agence nationale de santé au travail financée par les cotisations des employeurs. Véritable “ service public ”, cette Agence “ 'garantirait l’indépendance des professionnels de santé et des acteurs de prévention vis-à-vis des prérogatives des employeurs' ”. Elle serait chargée d’organiser et de coordonner les services de santé au travail et participerait au développement de la recherche en santé au travail. Le texte envisage, pour le médecin du travail, une mission consistant à identifier les risques liés aux postes de travail, avec le devoir d’en informer les salariés concernés et la collectivité de travail et de prescrire les aménagements nécessaires voire d’alerter objectivement sur les risques issus des conditions de travail, les risques environnementaux et psychosociaux.
Mandat BERTRAND
M. BERTRAND, ministre du travail, qui hérite en 1998 le dossier de son prédécesseur M. LARCHER, a commissionné de nombreux rapports complémentaires qui lui ont permis de compléter sa vision, d’impliquer les partenaires sociaux et de gagner du temps avant de passer la main à son successeur.
'Bilan de la pluridisciplinarité'
Le 23 janvier 2008, le ministère chargé du travail a ainsi rendu public un rapport qui dresse le bilan de la pluridisciplinarité - mise en place en 2004 - en matière de prévention des risques. Le document décrit le rôle, les missions et les caractéristiques des intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP), représentés par plus de 1.750 ergonomes, ingénieurs sécurité, psychiatres, psychologues, toxicologues, épidémiologistes. Il ébauche également des pistes d'évolution qui portent notamment sur les modalités de désignation des IPRP et leur statut.
'L’avenir de la médecine du travail'
L’avis adopté le 27 février 2008 par le Conseil économique et social constitue une analyse sur “ 'l’avenir de la médecine du travail' ” dont le rapporteur, Christian DELLACHERIE, résume ainsi le propos : “ 'malgré les récentes réformes, l'avenir de la médecine du travail et sa capacité à répondre aux enjeux liés à la santé des salariés suscitent des interrogations récurrentes. Élaboré à la demande du gouvernement, l'avis du CES vise à sortir rapidement et par le haut d'une situation critique préjudiciable à la santé au travail et, partant, à la santé publique. En n'occultant aucun sujet, il présente un ensemble d'évolutions concernant les missions des services de santé au travail, le métier des médecins du travail, le financement et la gouvernance du système, ainsi que la maîtrise de la contrainte démographique' ”.
'Risques psychosociaux'
Le 12 mars 2008, Philippe NASSE, magistrat honoraire et Patrick LEGERON, médecin psychiatre ont remis au ministre chargé du travail leur rapport - controversé - sur la détermination, la mesure et le suivi des risques psychosociaux au travail. Les auteurs recommandent de privilégier l’observation des faits relatifs à des concepts précis et selon des méthodes scientifiquement éprouvées afin d’établir un consensus sur la reconnaissance des risques psychosociaux ramenés à des faits et sur leur mesure objective, afin de permettre “' à la puissance publique, aux entreprises et aux partenaires sociaux d’envisager, ensuite, d’agir ensemble'”.
'Accidents du travail, maladies professionnelles'
Le rapport de la commission d'évaluation sur le coût des accidents du travail (rapport DIRICQ) a été publié en août 2008. Il analyse les causes de sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles et explique « qu’un pourcentage important de victimes ne déclarent pas leur maladie à la CPAM, même lorsqu’elles bénéficient d’une prise en charge médico-sociale à cette fin ». Que ce soit pour les troubles musculo-squelettiques, les cancers de la vessie, les néoplasies broncho-pulmonaires ou les dermatoses professionnelles, les chiffres montrent, en fonction des régions, que 35 à 50 % des accidents du travail ou des maladies professionnelles ne seraient pas déclarés, pour de multiples raisons que le rapport s’attache à analyser.
'Exposition aux agents CMR'
Un rapport sur les expositions professionnelles - en particulier aux agents CMR - a été établi par Daniel LEJEUNE, inspecteur général des affaires sociales, et remis en octobre 2008 à Franck GAMBELLI, Président de la Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles CNAMTS, à la demande du ministre en charge du travail. Le rapporteur s’attache à la traçabilité des expositions professionnelles. Il souhaite que soient expérimentées des propositions concernant : la contribution de la traçabilité des expositions professionnelles à une stratégie d’organisation de la prévention primaire des risques CMR, conduite par l’entreprise ; un appui de cette démarche ; une contribution de la traçabilité des expositions professionnelles à la prévention secondaire et tertiaire, et pour conforter les études épidémiologiques.
'Rapport DAB sur la formation des managers et ingénieurs en santé au travail'
Rédigé à la demande du ministre chargé du Travail, ce rapport émet des recommandations pour améliorer la formation en santé au travail des futurs managers et ingénieurs. Il est susceptible de concerner 5 millions de diplômés des grandes écoles d’ingénieurs, de commerce ou des universités. Le rapport préconise d’intégrer la question de la santé au travail dans les formations de l’enseignement supérieur et de mettre en place un référentiel commun de connaissances pour les personnes en situation d’encadrement. Il propose de fédérer les compétences en créant un Réseau national de formation en santé au travail (RNFST), la création d’outils pédagogiques mutualisés, une aide financière aux entreprises et un soutien logistique aux PME et TPE mettant en œuvre ce référentiel (label "'entreprises en santé'"). Pour ce qui concerne les Services de santé au travail, le rapport DAB confirme leur rôle dans la mise en place de ces actions.
Ces rapports d’experts ont conduit M BERTRAND a demander aux partenaires sociaux, de la conférence du 27 juin 2007 sur les conditions de travail, de faire des propositions pour la modernisation de la médecine du travail. Il a posé sur la table des négociations, trois axes de réflexion : redéfinition des missions de la médecine du travail en l’orientant davantage vers la prévention des risques professionnels en entreprise; réforme de la gouvernance; réforme du financement. Des indications sur le futur du système français de Santé au Travail ont été récemment données (le 27 juin 2008) par M Xavier Bertrand, Ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Dans le cadre de la deuxième conférence sociale sur les conditions de travail14, convoquée le 27 juin 2008, un premier bilan des actions lancées depuis octobre 2007 a en effet été réalisé et le thème "prioritaire" de la réforme de la médecine du travail a été abordé.
Mandat HORTEFEUX
Le mandat HORTEFEUX, extrêmement court au Ministère du Travail, aura permis au ministre de préparer le dossier de la négociation avant de laisser son portefeuille, début 2009, à Xavier DARCOS.
Mandat DARCOS
Reprenant le dossier de la médecine du travail, Xavier DARCOS a constaté qu'il avait été confié à la sagesse des partneraires sociaux. Ces derniers ayant abouti, le 11 septembre 2009, à un constat de désaccord au terme de 9 mois et de sept sécances de négociations, le Ministre a repris, à contrecœur le pilotage de la "'poursuite de la réforme'".
Au final, le cadrage ministériel se résume en 8 points ('extraits du discours de Xavier DARCOS au Forum Santé Travail du CISME le 12 janvier 2010'):
1. Notre premier objectif, c'est de renforcer la prévention primaire des risques professionnels. Ceux-ci ont pris des formes nouvelles, que l'on songe aux troubles musculo-squelettiques (TMS), aux risques psychosociaux ou aux risques à effets différés (CMR) avec l'augmentation des cancers d'origine professionnelle. Pour mieux prévenir ces risques et les traiter dans toutes leurs dimensions, les services interentreprises devront faire appel à des compétences diverses au sein d'équipes pluridisciplinaires de santé au travail. Vous avez déjà engagé des actions en ce sens, comme j'ai eu l'occasion de le constater lors des visites de services que j'ai effectuées ces dernières semaines à la Défense et à Bordeaux. Je souhaite que vous les poursuiviez.
2. Nous devons aussi mieux suivre certaines catégories de salariés qui appellent des réponses spécifiques, en particulier les intérimaires, les salariés du particulier employeur ou les saisonniers. J'ai proposé de réfléchir à la possibilité d'assurer un suivi optionnel de ces salariés par un service autonome ou interentreprises de santé au travail. Je veux que vous vous saisissiez de cet enjeu.
3. La fréquence des visites médicales doit mieux tenir compte des besoins réels des individus et s'intégrer dans une politique de prévention globale.
4. Nous devons également nous appuyer sur la visite de pré-reprise pour mieux prévenir la désinsertion professionnelle en cas d'inaptitude au travail, et pour cela favoriser l'anticipation et la concertation entre le médecin du travail, le médecin conseil de la caisse d'assurance maladie et le médecin traitant.
5. Je sais que la baisse du nombre de médecins du travail constitue une contrainte et que c'est l'une de vos inquiétudes. Je veillerai avec les ministères concernés à engager des actions pour attirer davantage de futurs médecins vers cette spécialité, notamment en développant la formation initiale et en créant des passerelles de spécialisation pour les généralistes. Avec mes collègues Roselyne Bachelot et Valérie Pécresse, nous venons de confier une mission à trois personnes, M. Christian Delacherie du CESE, le Professeur Paul Frimat et le docteur Gilles Leclercq. D'ici fin février, ils devront formuler des préconisations en ce sens, en particulier sur les filières de formations médicales en santé au travail.
6. Je veux aussi mettre en place une gouvernance par objectifs des services de santé au travail. Des instances comprenant les partenaires sociaux et les acteurs publics de la prévention, des instances paritaires au niveau national et régional permettront d'arrêter des schémas d'orientation de la santé au travail avec un schéma de couverture territoriale et des objectifs en matière de prévention de la santé au travail. L'objectif sera aussi de disposer à terme de services regroupés pour assurer une couverture territoriale harmonieuse et dégager les moyens nécessaires à l'exercice de la pluridisciplinarité. Je compte sur votre mobilisation au niveau régional, en partenariat avec les DIRECCTE, pour continuer d'anticiper ce mouvement qui nécessitera sur certains territoires des rapprochements de services. Des conventions seront signées entre les services, l'Etat et l'assurance-maladie sur la base d'objectifs quantitatifs et qualitatifs et de modalités d'intervention de chacun pour les atteindre. Les agréments de services seront réformés pour prendre en compte ces conventions.
7. Il est nécessaire de mettre les instances de direction des services de santé interentreprises en phase avec les acteurs économiques et sociaux. Cela suppose de faire entrer les organisations professionnelles et syndicales dans les Conseils d'administration. J'ai proposé la répartition suivante : 2/3 de représentants des entreprises et 1/3 de représentants des salariés, sachant que la possibilité optionnelle d'un paritarisme total restera ouverte. 8. Enfin, je veux instaurer la transparence en matière de gestion financière des services de santé au travail, avec publication et certification des comptes.
Mandat WOERTH
Xavier DARCOS ayant quitté précipitamment le ministère du Travail après les élections régionales de mars 2010, c'est à son successeur Eric WOERTH - lui-même fils de médecin du travail - qu'échoit le dossier de la réforme de la médecine du travail.