Réseau (géométrie) - Définition

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Introduction

En mathématiques, un réseau d'un espace euclidien est un maillage correspondant à la figure de droite. Il remplit l'espace au sens ou il existe un rayon R tel que toute boule de rayon R contient au moins un point du réseau. Il est discret au sens ou il existe un nombre strictement positif r tel que toute boule de rayon r contient au plus un point du réseau. Il est régulier au sens où la somme et la différence de deux points du réseau est encore élément du réseau.

L'étude des réseaux est à la croisée de différentes branches des mathématiques. Pour un théoricien des groupes, un réseau est avant tout un cas particulier de groupe commutatif qu'il appelle groupe abélien libre de type fini. Pour un algébriste, un réseau ressemble à un espace vectoriel de dimension finie, à la différence que les scalaires non nuls, c'est-à-dire les nombres qui multiplient les vecteurs, n'ont pas toujours d'inverse. Si les visions précédentes apportent informations et théorèmes sur la structure d'un réseau, elles ne correspondent ni à l'origine du terme ni aux méthodes mathématiques spécifiques aux réseaux. Ce terme réseau provient initialement d'une la question de nature physique, l'étude des cristaux. Dans cette branche du savoir un réseau porte le nom de réseau de Bravais et les outils d'analyse sont essentiellement géométriques. Les questions propres à l'analyse d'un réseau portent sur les différentes symétries qui laissent invariant le réseau ou encore la résolution de problèmes d'empaquements de sphères ou de convexes. Cette approche offre des démonstrations parfois plus simples de théorèmes déjà connus et parfois nouvelles, bien difficiles à démontrer sans l'apport de la géométrie.

Si une subdivision en différentes branches des mathématiques est utile, la définition des frontières est nécessairement floue. Un théoricien des groupes, ou un algébriste, utilise avec bonheur des outils géométriques pour parvenir à ses fins. Ainsi, l'usage d'un réseau se trouve dans de nombreux pans des mathématiques. En théorie des groupes, on le retrouve pour l'étude des groupes de Lie et de leurs algèbres, il est aussi présent pour l'étude des représentations d'un groupe fini. En arithmétique, il est l'outil de base d'une branche entière appelée géométrie arithmétique. La physique en fait usage pour étudier la répartition des atomes ou des ions dans un solide cristallin. Le réseau est source d'algorithmes en usage en informatique. Il est à la base de méthodes pour casser des codes secrets ou encore pour en construire d'autres, probablement difficilement violable. Le terme difficile possède ici une définition aussi précise que particulière. Il ne signifie pas que personne ne sait comment déchiffrer le message codé, mais seulement qu'il n'existe pas de méthode qui permette de le faire en un temps raisonnable, par exemple inférieur à l'âge de l'univers.

Algèbre linéaire et espace métrique

Dans cet article les lettres \mathbb{C} , \mathbb{R} , \mathbb{Q} et \mathbb{Z} désignent respectivement le corps des imaginaires encore appelés complexes, des nombres réels, des rationnels et l'anneau des nombres entiers et n un entier strictement positif. L'espace vectoriel \mathbb{R}^n désigne l'ensemble des n-uplets composés de n nombres réels dans un ordre donné. Géométriquement, on les imagine comme les coordonnées d'un point dans un espace muni d'un repère orthonormal. En dimension 2 ou 3, on obtient une représentation du monde physique, à la condition qu'il soit approximé par une géométrie euclidienne.

Définition

Définition —  Un Réseau Λ de \mathbb{R}^n est un sous-groupe discret de \mathbb{R}^n pour l'addition, tel que le sous-espace vectoriel engendré par Λ soit égal à \mathbb{R}^n .

L'hexagone est une figure permettant de construire un réseau en dimension 2.

Une telle définition mérite quelques explications. Le choix de \mathbb{R}^n au lieu d'un espace vectoriel réel de dimension n n'est que de peu d'importance. Tout espace vectoriel réel de dimension n est une copie de \mathbb{R}^n et les résultats vrais dans \mathbb{R}^n le sont dans un espace réel de dimension n. On parle d'isomorphisme. Le fait que les points forment un groupe implique la régularité du réseau. Un polygone de sommets des points du réseau, translaté par un déplacement d'un point du réseau à un autre, possède toujours pour sommets des points du réseau. L'exemple de droite l'illustre. Les points du réseau correspondent à l'intersection du quadrillage, l'hexagone en violet, translaté possède toujours des sommets éléments du réseau. Le terme de discret possède la signification suivante :

  • Un sous-ensemble V d'un espace métrique est dit discret lorsque l'intersection de cet ensemble avec une boule de rayon fini contient un nombre fini d'éléments.

Un espace métrique (M,d) est simplement un ensemble M munis d'une distance d, et une boule de rayon r, B(a,r)r et un entier positif, généralise la notion de disque. Elle correspond à l'ensemble des points qui sont à une distance inférieure à r d'un point a donné :

B(a,r) = \{x\in M \mid d(a,x)\leq r \}

La stabilité par translation montre que pour vérifier qu'un groupe est discret, il suffit de considérer les boules de centre l'élément neutre. Si chacune de ces boules, de rayons finis, ne contient qu'un nombre fini de points du réseau, alors le groupe est discret. Il existe certains groupes qui ne le sont pas. Par exemple \mathbb{Q}^n , celui formé par les points dont les coordonnées, dans la base canonique de \mathbb{R}^n , sont les nombres rationnels.

La troisième propriété signifie qu'il n'existe pas de sous-espace vectoriel strict contenant le réseau. Si la dimension est égale à 3, alors aucun plan ne contient le réseau. Si un plan entier est couvert et s'il existe un unique point du réseau en dehors d'un plan, la stabilité de l'addition et de la soustraction montre que l'espace entier est couvert. Dire que l'espace est couvert signifie qu'il existe un rayon ρ tel que toute boule de rayon supérieur à ρ contient au moins un point du réseau, et ceci quel que soit son centre.

Tout espace vectoriel E de dimension n sur les nombres complexes est aussi un espace vectoriel réel de dimension 2.n. Ainsi, si Λ est un groupe discret qui génère E, en tant qu'espace vectoriel réel, il est un réseau de dimension 2.n. De même que \mathbb{Z}^n est un réseau de \mathbb{R}^n , Gn est un réseau de \mathbb{C}^n . La lettre G désigne ici les entiers de Gauss, c'est-à-dire les nombres de la forme a + i.ba et b sont des éléments de \mathbb{Z} .

Base

Existence d'une base —  Soit Λ un réseau de Rn, il existe une famille (bi) de n éléments du réseau, tel que tout élément s'exprime de manière unique comme combinaison linéaire de cette famille, à coefficients dans les nombres entiers. Une telle famille porte le nom de base.

\Lambda = \left\{ \sum_{i=1}^n l_i b_i \; | \; l_i \in\Bbb{Z} \right\}\quad\text{et}\quad \forall \lambda \in \Lambda ,\;\exists ! (l_i) \in \mathbb Z^n \quad \lambda = \sum_{i=1}^n l_i b_i
Dans un réseau, il existe une famille, illustré en rouge sur la figure, tel que tout point s'exprime comme combinaison linéaire de manière unique, des points de la famille.

Il existe plusieurs manières de lire et de démontrer ce théorème. En termes de théorie des groupes, un réseau est un groupe abélien de type fini, c'est-à-dire qu'il est commutatif et que de plus, il existe une famille finie (fi), génératrice du groupe. C'est-à-dire que tout élément g du groupe est somme des éléments gi.fi si gi sont des entiers bien choisis. Le terme gi.fi signifie, si gi est positif, la somme de fi avec lui-même, répétée gi fois et son inverse si gi est négatif. Un tel groupe est dit sans torsion, si, quand on additionne avec lui-même un élément non nul du groupe, autant de fois qu'on le désire, on n'obtient jamais le point origine. On parle alors de groupe abélien libre de type fini et l'on montre avec ces hypothèses l'équivalent de l'existence d'une base.

Une autre manière de voir les choses est de faire usage de l'algèbre linéaire. On considère le réseau comme un quasi espace vectoriel, à la différence que les scalaires ne sont pas tous inversibles. Les scalaires ici sont égaux aux nombres entiers. Une telle structure porte le nom de module. S'il existe une famille génératrice finie, si le Z-module forme un groupe additif sans torsion, le théorème des facteurs invariants est une manière de montrer le résultat.

Ces démonstrations sont bien peu géométriques et n'utilisent guère les outils associés aux réseaux. On peut imaginer une démonstration directe, guidé par l'intuition géométrique qu'apporte une telle structure. Le principe est illustré en dimension 2 sur la figure de gauche. On considère deux vecteurs libres du réseau, choisis de norme la plus petite possible. La norme est le terme mathématique technique désignant la longueur d'un vecteur. On appelle ces vecteurs α et β. Ils définissent un parallélogramme, en jaune sur la figure. La minimalité des normes de α et β permet de montrer que ce parallélogramme ne contient aucun point du réseau autre que ses sommets.

On considère, un point λ quelconque du réseau, que l'on peut toujours exprimer comme une combinaison linéaire de α et β si la structure considérée est l'espace vectoriel R2. En retranchant à λ le vecteur de coordonnées les parties entières de celle de λ on obtient un petit vecteur du réseau, à l'intérieur du parallélogramme jaune. Ce principe est un peu analogue à une division euclidienne. Le petit vecteur serait, avec cette analogie, le reste. Le fait qu'il soit dans le parallélogramme et dans le réseau, montre qu'il est nul. Le vecteur λ s'exprime donc comme une combinaison linéaire de α et β avec des coefficients entiers.

Cette démonstration, ainsi que sa généralisation en dimension quelconque est plutôt plus simple que les deux citées précédemment. L'usage de la géométrie simplifie l'approche. En revanche, la méthode proposée ici n'est pas effective, à la différence de celle des facteurs invariant, par exemple. Effective signifie que l'on peut, avec cette méthode, construire effectivement une base. Dans le cas général, il est difficile de trouver le vecteur non nul de plus petite norme.

Domaine fondamental

Une zone particulière a été utilisé, dans la démonstration précédente, elle correspond à la zone illustrée en jaune pour la dimension 2. Elle correspond à la définition suivante :

Définition d'un domaine fondamental — 

  • Le domaine fondamental par rapport à une base B , si B est une base (bi) du réseau est l'ensemble des points P :
P = \left\{ \sum_{i=1}^n \lambda_i b_i \; | \; \lambda_i \in [0,1[ \right\}
Deux domaines fondamentaux ont même volume.

La zone rouge de la figure de droite est un exemple de volume fondamental. La définition d'un domaine fondamental s'obtient à partir d'une base. Pour les réseaux, comme pour les espaces vectoriels, il existe plusieurs bases et, en conséquence plusieurs volume fondamentaux. À part en dimension 1, où il n'en existe que deux, ayant la même géométrie, il en existe dans tous les autres cas une infinité. Pour s'en rendre compte il suffit de remplacer le deuxième vecteur de la base par la somme de k fois le premier vecteur et le deuxième. Si k désigne un entier, on a là un moyen de construire une infinité de bases aux géométries différentes. Sur la figure de droite, la zone verte est un autre domaine fondamental.

Il existe un invariant associé au domaine fondamental. Le volume fondamental d'un réseau est la mesure du volume du domaine fondamental et lui est unique. Sur la figure de droite, les volumes définis par les parallélépipèdes vert et rouge sont égaux.

Invariance des volumes fondamentaux — Le volume fondamental est indépendant de la base qui définit le domaine fondamental.

Il existe une manière intrinsèque de définir le domaine fondamental, elle fait appel à des concepts plus avancés. Le groupe de Lie Rn / Λ dispose d'une mesure canonique. Pour tout point p de Rn / Λ, il existe un ouvert de p tel que la projection canonique de Rn dans Rn / Λ soit un difféomorphisme. Ces difféomorphismes permettent de définir une mesure. Le groupe de Lie est compact, sa mesure totale peut être choisie égale au volume fondamental du réseau.

Une manière simple de voir les choses est de se limiter en dimension 2. Les points de première coordonnée égal à un entier sont identifiés avec les points de première coordonnée égal à 0. Cela revient à enrouler l'espace pour obtenir un cylindre où tous les points de première coordonnée entière sont superposés. On identifie alors les points de deuxième coordonnée égal à un entier aux points de deuxième coordonnée égal à 0. Cela revient à enrouler le cylindre pour obtenir un tore, illustré sur la figure de gauche.

La représentation est, en termes de mesure imparfaite. Les cercles horizontaux du tore correspondent aux points de deuxième coordonnée constante. Tous ces cercles ont une circonférence égale à 1. Dans la représentation, selon que le cercle est plus ou moins choisi à l'intérieur du tore, la circonférence varie. À ce détail près, la représentation par une forme s'approchant d'une bouée est un bon support pour l'intuition de la géométrie du volume fondamental d'un réseau.

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