Ardoise (élément de couverture) - Définition

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Fabrication

Nous allons ici aborder brièvement l'élaboration des plaques fines de schiste dont le couvreur dispose pour l'exercice de son art. Pour plus de détails voir l'article concernant le schiste ardoisier.

Extraction

Les premières exploitations de veines de schiste ardoisier résultèrent de l'approfondissement de carrières d'où l'on tirait préalablement des moellons ou des lauzes. À mesure que l'on s'éloignait de la surface initiale, la pierre devenait plus belle et plus docile à la fente, mais bientôt la veine partait dans le talus sous des épaisseurs de stérile à faire tomber les bras. Heureusement, on a des bois d'étai, et des cerveaux. On creuse un puits, on mène une galerie, et quand on est bien entré dans la veine, on fait une carrière avec un ciel en pierre. Ça pleut moins mais il faut quand même écoper, surtout si on est sous le niveau de la Meuse !

Extraction à ciel ouvert

La carrière de Penrhyn à Bethesda (Pays de Galles).

Les schistes ardoisiers résultent de la transformation de couches sédimentaires océaniques plissées par des mouvements tectoniques et dont les structures chimique et cristalline sont modifiées en phase solide par les contraintes mécaniques et thermiques consécutives à ces mouvements. Cette genèse suppose une certaine profondeur d'enfouissement mais les évolutions subséquentes, en particulier l'érosion peuvent amener la roche en surface. Elle subit alors une détente dû à la perte de son eau et devient sensible aux agents atmosphériques et biologiques qui la dégradent.

Ce que l'homme sans technologie peut percevoir du résultat de cette évolution géologique, c'est un coteau ou une falaise de roche dure au bas duquel gît un éboulis de dalles oblongues. Sans technologie ne signifie pas stupide et son regard ne tardera guère à monter du tas, jusqu'où la pierre est plus cohérente. Il finira par creuser et son effort sera récompensé par la découverte d'un trésor.

L'épaisseur des couches intéressantes à exploiter est typiquement d'ordre métrique à hectométrique, l'inclinaison est variable. Selon la conformation de la veine et de son affleurement, on attaquera un flanc ou l'on fouillera une fosse. Dans tous les cas la veine finira par s'enfoncer sous des terrains stériles parfois très durs, ou au contraire très instables, et l'on devra s'astreindre à réduire le fruit du talus en le laissant néanmoins suffisant pour éviter l'effondrement, et mordre son poing de frustration.

Eugène Louis Melchior Patrin, dans l'article posthume « Ardoise » du Nouveau dictionnaire d'histoire naturelle (1816) explique : « Cette exploitation se fait à ciel ouvert, par tranchées ou foncées de neuf pieds de profondeur chacune, qui vont toujours en se rétrécissant, à mesure qu'on s'enfonce, afin de conserver un talus suffisant pour prévenir les éboulements ; de sorte qu'une tranchée à laquelle on donne ordinairement quatre cents pieds de large (environ 130 m) sur une longueur indéterminée, se trouve réduite à rien à la trentième foncée, qui est à deux cent soixante-dix pieds de profondeur (87,7 m). » Ce qui fait au talus un fruit de cinquante trois degrés et demi qu'on ne peut guère outrepasser sans courir un grand péril.

L'abattage des blocs se fit longtemps au pic, au coin et à la masse. Puis on usa de tir de mine : la poudre noire, la dynamite et d'autres explosifs plus puissants, plus cassants qui augmentaient le profit de capitaux bien placés et la quantité de silice que les carriers thésaurisaient dans leurs poumons, mais qui diminuaient le rendement de la pierre jusqu'à moins de dix pour cent et accroissaient considérablement les risques d'accident. On en vint finalement à utiliser des scies à fil et des haveuses et à indemniser les veuves des silicosés et autres restés au fond.

Au début du XXIe siècle, les grandes carrières sont à ciel ouvert, à Saint-Marc-du-Lac-Long (Québec), à San Pedro et à Benuza dans l'ouest de la Cordillère Cantabrique (Espagne), en Chine (provinces de Shandong, Hubei, Jiangxi et Fujian), au Brésil (État des Minas Gerais, entre Belo Horizonte et le réservoir de Très Marias) ; on exploite des veines quasi horizontales en terrassant des dizaines d'hectares avec des engins grands comme des maisons. Le transport transocéanique coute moins cher que la soupe des carriers et des fendeurs.

Extraction souterraine

Qu'on accède à la veine par un travers-banc horizontal directement du jour, ou par un système de puits et de galeries collectrices, le premier ouvrage s'appelle crabotage, le plus rude labeur qu'on ait inventé, à genoux, au pic et à la barre à mine, il faut taper dans la butte pour donner l'aire à la chambre, vidanger les débris qui ne sont d'aucun usage, déceler les avantages qui sont des lignes où la pierre peut casser, et en revenir.

Maintenant, on fait ça au marteau-pneumatique, à la tarière et à la mine ou même à la haveuse. Ça reste quand même plus viril que la dentelle. Après on dégage un front et des flancs pour abattre des blocs et l'on continue sur toute l'étendue de la salle. Les blocs s'il le faut sont débités pour être montés au jour.

Quand on peut redresser les dos dans une belle chambre qui va du mur au toit sur une largeur convenable, on fonce sous les pieds ou on tape au ciel, il faut choisir. C'est l'exploitation en descendant ou en montant. Jadis on est allé où la pierre était la plus aimable mais en préférant descendre parce qu'on retrouvait les usages ordinaires d'une carrière à ciel ouvert.

On devait vidanger les débris et la mauvaise pierre qui remplissaient bien des paniers et bien des bennes et donnaient beaucoup de peine. Un ciel en pierre, ça a ses humeurs comme un ciel en ciel. Ça se détend, ça se fissure, ça s'écaille, mais ce qui tombe est plus lourd que la pluie. On suspend des passerelles pour visiter un ciel en pierre et le raviver en faisant tomber tout ce qui a pourri, mais ça peut avoir des caprices, des caprices mortels. Dans certaines carrières où les nefs étaient grandes comme des cathédrales, ces averses là ont meurtri jusqu'à dix ou vingt hommes et parfois davantage, d'un seul coup.

Lorsqu'on n'eut plus la place d'ajouter des chapelles, on inventa d'abattre en montant, le ciel était toujours neuf et on laissait les gravois, ce qui faisait gagner aux carriers beaucoup d'effort et de sureté, et du bon argent aux actionnaires. Au troisième quart du vingtième siècle on ouvrit des carrières souterraines en descendant mais les parois étaient ceinturées de fer et de longues et larges galeries en faible pente permettaient la circulation de grands tombereaux automobiles jusqu'au jour.

Façonnage

D'abord, ce qui importe, quand on a détaché un bloc du front de taille, c'est de le remonter. Pour ce faire on doit le débiter en pièces portables par les moyens dont on dispose, qui ont variés selon les époques et qui sont toujours assujettis au mode d'extraction et aux caractéristiques du gisement et de ses accès. Des porteurs ont escaladé de longues successions d'échelles avec des faix de plus de quatre vingts kilos et des machineries ont hissé des charges de dix tonnes ou davantage.

Débitage, boucage et quernage.

Répartons à la sortie du sciage, attendant d'être fendus.

Le débitage aboutit au réparton par une succession de divisions du bloc abattu selon trois plans orthogonaux : le plan de fissilité, le plan de boucage qui suit le longrain, et le plan de quernage, perpendiculaire à la fissilité et au longrain. Selon les modes d'abattage et les moyens mis en œuvre pour hisser la pierre au jour, les opérations successives sont répartis en bas (au pied du front de taille), puis en haut (au jour). On en fait le plus possible en haut où le travail est plus confortable et peut être organisé de façon plus rationnelle.

L'alignage consiste à fendre un bloc de grande taille en dalles dont l'épaisseur n'excède pas six à dix centimètres. Pour ce faire on enfonce à la masse des coins logés dans des trous amorcés au pic, ou l'on utilise un marteau-pneumatique.

De larges ciseaux à pierre frappés habilement au maillet venaient à bout du boucage quand le longrain était assez marqué ; depuis quelque temps déjà l'on scie ; c'est plus facile et le débit de la pierre s'en trouve amélioré.

Pour briser dans le plan de quernage, il faut amorcer une rupture par entaille au pic et finir au ciseau, mais l'on a tôt scié car la cassure est aléatoire et prend aisément du biais ce qui fait perdre de la pierre.

Tierçage et fente

Le réparton est enfin prêt pour être fendu. Sa longueur et sa largeur enchérissent d'un rien sur le format du modèle que l'on souhaite façonner. On le divise en quartelles par une série de dichotomies les plus égales possibles qui combine des fentes à proprement parler dont les pièces résultantes sont de même épaisseur, et des tierçages où l'une pièce double l'autre. Puis l'on fend les quartelles en jets et les jets en fendis qui sont pareils à des ardoises dont les chefs ne sont pas dressés.

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Rondissage

Le doleau ou rebattoire, une sorte de hachette, et le chaput ou billot furent longtemps les instruments du rondissage lequel donne à l'ardoise à la fois son épaufrure et son format. Puis on a utilisé des sortes de massicots à pédale. Depuis le milieu du vingtième siècle des machines rondissent mécaniquement à la molette ou à la fraise.

Modèles

Il parait utile de rappeler ici la différence entre ardoise et lauze et tout particulièrement de préciser certains points concernant les changements d'acception de ces termes. À la fin du XIIe siècle les deux mots désignent des pierres dont les caractères communs tiennent à la schistosité et à l'ingélivité. Lauze se dit en pays franco-provençal et d'oc, ardoise en pays d'oïl. La pierre est utilisée déjà depuis fort longtemps pour la construction autour des lieux où elle affleure.

Au nord, des structures sociales et politiques plus centralisées ou mieux affermies, et de bonnes voies navigables favorisent le commerce à des distances assez considérables. Le débouché des exploitations s'en trouve augmenté. Les exploitants creusent d'autant plus profondément, où l'on trouve la meilleure pierre qui se fend en plus fines écailles, que le pouvoir promeut les couvertures incombustibles pour la reconstruction des sites urbains incendiés. Et plus fines écailles faisant surface plus étendue et profit plus substantiel, on en vient à fendre à moins de deux millimètres. C'est abuser. Bientôt les octrois de Paris exigent une grosseur plus convenable, puis cette règle est adoptée par d'autres villes, d'autres provinces et s'impose aux producteurs. C'est la première standardisation qui différencie des ardoises conformes à une épaisseur requise par opposition à d'autres, imparfaites, dont l'usage reste local.

Au sud, on n'a pas creusé si profond à cette occasion. L'architecture urbaine employait la tuile depuis longtemps et très communément. La pierre n'était pas si bonne, trop calcaire souvent ! Peu importe, on usa même de pierres non schisteuses qui se présentaient naturellement sous la forme de dalles, comme les phonolites d'Auvergne ou les dolomies des Causses. Et la lauze resta la lauze quand l'ardoise devenait l'ardoise.

Types non échantillonnés

Le type de matériau de couverture minérale le plus primitif résulte d'un simple tri d'éléments plats et oblongs disponibles en surface. Les gisements intéressants de ces sortes de pierres procèdent de la dégradation atmosphérique d'affleurements de roches anisotropes le plus souvent métamorphiques (schistosité et long-grain) mais aussi éruptives (microlithisme fluidale).

La localisation restreinte de ces ressources très limitées ne permettait pas la diffusion de leur usage ni celle de la technologie afférente qui resta rustique et sans prestige. Mais la découverte de la fissilité et la propagation consécutive du matériau nouveau induisit le développement de traditions rayonnantes. Lesquelles se trouvèrent confrontées à des coutumes préexistantes et s'en alimentèrent. Ainsi l'on adapta à l'ardoise les façons du bardeau qui était alors communément utilisé, et celles de la fameuse tuile plate de Bourgogne qu'on faisait venir à grand frais jusqu'à Paris et plus loin encore pour sa grande résistance et sa remarquable beauté ou que l'on tentait d'imiter assez médiocrement.

La façon modifia l'objet. L'on fabriqua bientôt des ardoises de longueur approximativement constante (de dix à douze pouces) qui présentaient le double avantage de pouvoir être posées sur lattis et de se ranger fort commodément sur le fond des bateaux qui les portaient au loin. Les inévitables blocs de rebut servaient à façonner des éléments disparates et bon marché vendus aux alentours. L'on produit encore des lots d'ardoises de largeurs inconstantes pour la pérennité de certaines façons régionales.

Modèles échantillonnés

Puis l'on en vint dès les XIVe et XVe siècles à départir du meilleur ce qui excellait davantage et distinguer la « carrée » du « poil noir » et de l'ardoise « partie ». La « carrée » fut triée en « carrée forte » et « carrée fine », les écailles de moindre qualité en « poil taché » et « poil roux ». L'on mit à part les ardoises longues mais trop étroites, les « héridelles », et d'autre part celles dont le schiste s'incurvait, les « coffines », pour complaire aux couvreurs qui en avaient usage dans les façons qu'ils inventaient.

En 1672, le roi Louis XIV ordonna que la hauteur des ardoises fût dorénavant de onze pouces et l'on en resta là pendant plus de cent cinquante ans. Vers 1830, le vent avait porté l'écho de bien des tumultes, mais les bonnes ardoises de France n'avaient pas grandi. Elles n'avaient gagné qu'un peu d'embonpoint s'accroissant environ d'un pouce de largeur. Néanmoins, depuis 1770 environ, les bretons en faisaient de plus grandes (jusqu'à dix-sept pouces) à l'exemple des anglais et des gallois dont les « queens » atteignaient vingt-cinq de leurs petits pouces soit vingt-deux pouces et six lignes de France !

Les ardoisières de l'Anjou et des Ardennes mécanisaient leur fabrication ce qui permit une plus grande régularité des dimensions et par conséquent la création de nouveaux modèles :

  • la « 1re carrée » (11 × 8 pouces),
  • la « 2e carrée » (11 × 7½ pouces),
  • la « 3e carrée » (9 × 6½ pouces),
  • la « 4e carrée » (8 × 4 à 5 pouces) dite aussi « cartelette » puis « cartelette n°1 » (8 × 5 pouces) ;

en 1859 :

  • la « flamande » (10 × 6 pouces) ;

en 1860, à partir du « poil taché » :

  • la « grande moyenne » (11 × 7 pouces),
  • la « petite moyenne » (11 × 6 pouces) ;

en 1864, à partir du « poil roux » :

  • la « cartelette n° 2 » (8 × 4½ pouces),
  • la « cartelette n° 3 » (8 × 3½ pouces) ;

puis, longtemps après, en 1941 :

  • la « reconstruction » (350 mm × 250 mm) ;

et enfin, en 1955, à l'instigation de M. Sangué, pour couvrir les faibles pentes :

  • la « 46 × 30 » (cm).
Modèles français

Au début du XXIe siècle les carrières des grands bassins ardoisiers historiques sont épuisées, fermées ou pour le moins déclinantes (Pays de Galles, Ardennes, Anjou). La plupart des ardoises posées en Europe, comme partout ailleurs sont extraites d'exploitations récemment ouvertes en Espagne, au Canada, en Chine et au Brésil. Les productions n'ont jamais été aussi variées, autant dans le format et l'épaisseur que dans la nature et les caractéristiques de la pierre.

Noire, grise, blanche, bleue, verte, rouge, violette, jaspée, nuageuse, rouillée, quoi d'autre, encore ! On fend plus gros, quelquefois pour compenser les faiblesses du schiste. On taille, de la cartelette à la 46 × 30, toutes les combinaisons de largeur et de longueur dont la proportion est comprise entre deux tiers et un demi. Un exotisme brouillon d'où peut jaillir le pire ou le meilleur.

Si l'on s'en tient à la tradition, les modèles français restent assez disponibles à ceux qui ont l'œil et l'oreille. Si l'on veut innover, des voies honnêtes sont ouvertes aux aventuriers et aux artistes. Les normes européennes ont défini précisément des épreuves que l'ardoise doit pouvoir subir sans perte ni rupture et celle d'aujourd'hui vaut bien celle d'hier.

Les principaux modèles français actuels avec leur nom ancien.
Longueur×largeur Noms anciens
355 × 250 Reconstruction
325 × 220 1re carrée grand modèle
300 × 220 1re carrée forte
300 × 220 1re carrée fine
300 × 200 2e carrée
300 × 190 Grande moyenne
270 × 180 Moyenne
270 × 160 Flamande
250 × 180 3e carrée
220 × 160 Cartelette
Modèles anglais

Les modèles anglais, plus grands et plus épais que les modèles français, doivent impérativement être pourvus de leurs quatre cornières. Les ardoisières d'Anjou et des Ardennes en ont produit à partir de 1852 pour résister à la rude concurrence des négociants britanniques qui, dès la seconde moitié du XVIIIe siècle, débarquaient d'excellentes pierres fort bien travaillées dans les ports continentaux de Nantes à Brème.

Au Pays de Galles, à Bethesda, à Blaenau Ffestiniog et à Llamberis, les carrières de Penrhyn, Llechwedd et Oakeley, Dinorwic exploitaient au début du XIXe siècle des dizaines de puits et de chambres souterraines dans de larges veines d'un schiste de qualité exceptionnelle. Plusieurs milliers de carriers misérables et encasernés tapaient dans la butte au fond quatorze heures par jour et souvent y mouraient pour l'enrichissement de quelques familles. On vendait une belle marchandise assez bon marché, dans les ports de France, de Flandre et d'Allemagne, et les diables rodaient dans les galeries profondes.

À Bethesda, la carrière de Penrhyn étant la plus importante, on normalisa d'office les modèles en leur donnant des noms de dames.

Tableau des principaux modèles anglais
Nom du modèle Dimensions en pouces Dimensions en millimètres Nom français
Empress 26 × 16 660,4 × 406,4
Queens 25 × 14 635 × 355,6 no 1
Princess 24 × 14 609,6 × 355,6 no 2
Duchess 24 × 12 609,6× 304,8 no 3
Small Duchess 22 ×12 558,8 × 304,8
Marchioness 22 × 11 558,8 × 279,4 no 4
Broad Countess 20 × 12 508 × 304,8
Countess 20 × 10 508 × 254 no 5
Small Countess 18 × 10 457,2 × 254 no 6
Viscountess 18 × 9 457,2 × 228,6 no 14
Wide Lady 16 × 10 406,4 × 254 no 13
Broad Lady 16 × 9 406,4 × 228,6
Lady 16 × 8 406,4 × 203,2 no 7
Wide Header 14 × 12 355,6 × 304,8
Header 14 × 10 355,6 × 254 no 11
Small Lady 14 × 8 355,6 × 203,2 no 8
Narrow Lady 14 × 7 355,6 × 177,8 no 9
Small Header 13 × 10 330,2 × 254
Doubles 12 × 6½ 304,8 × 165,1 no 10
Singles 10 × 5 254 × 127
Modèles carrés

Dans les années environ 1880, l'industrie ardoisière, en forte expansion, fut néanmoins rudement concurrencée par l'essor des tuileries.

En 1841 Courtois avait inventé à Paris une sorte de tuile carrée posée en diagonale et Gilardoni avait brevetée sa première tuile à emboitement qu'il produisit bientôt abondamment à Altkirch, puis à Bois du Roi après l'annexion de l'Alsace par les Prussiens en 1870. Le second de ces procédés seul perdura mais le premier ne fut pas sans conséquence. Le principe commun de ces nouvelles tuiles était d'égoutter par un larmier au-delà d'un relevé de tête. La surface utile de l'élément étant accrue, le poids de la couverture, le coût de la charpente et les frais de transport se trouvaient diminués.

Les ardoisiers eurent alors l'idée, en 1886, de créer des modèles carrés destinés à être posés en diagonale pour bénéficier des mêmes effets engendrés par les mêmes causes. Les façons dites économiques que les couvreurs mirent en œuvre sans tarder, assurèrent le succès de ces modèles dans la couverture des hangars et des ateliers et le bardage des murs.

On les fixa d'abord à clous de milieu, puis avec des crochets doubles en Y. L'inconvénient de ces crochets onéreux et de manipulation difficultueuse disparut avec l'apparition des modèles à pans coupés qui se posent au crochet ordinaire.

Les modèles carrés sont fendus à l'épaisseur des modèles anglais, néanmoins on évite de les poser dans les régions où ils seraient exposés à de fortes grêles parce qu'une grande partie de leur pureau ne couvre aucune autre pierre. L'étanchéité de ces façons économiques n'est pas aussi bonne que celle des façons traditionnelles.

La nomenclature des côtés et des angles de ces sortes d'ardoises leur est particulière. Elles ne possèdent ni culée ni chef de tête. On distingue parmi leurs chefs tous biais, ceux qui égouttent de ceux qui sont couverts. On nomme pan un petit côté surnuméraire résultant de l'abattement régulier d'un angle, et pointe, un angle qui n'est point abattu. Le pan ou la pointe, selon son emplacement est dit de base, de tête ou de côté.

Il y a cinq types d'ardoises carrées : certaines ont quatre pans de cinquante millimètres, d'autres ont les pans de côtés de quatre vingt dix millimètres et ceux de base et de tête de trente millimètres, d'autres encore ont un pan de cent quatre vingts millimètre qui peut être placé en base ou en tête, et trois pans de trente millimètres, le quatrième type n'a qu'un pan de tête de cent quatre vingts millimètres et trois pointes, on le pose à crochet double, enfin, il existe un cinquième type qui ne se pose pas sur la diagonale et dont la culée est écornée de quatre vingt dix millimètres des deux côtés. Les dimensions s'échelonnent de 250 à 355 mm.

Modèles historiques

En 1930 la direction des monuments historiques émit le souhait que les ardoisières produisent quelques nouveaux modèles adaptés à la restaurations des bâtiments anciens. Leurs formats sont empruntés à des modèles français dont le ratio de la longueur égale trois demi largeurs. L'épaisseur permet de distinguer deux types : la H1 (4,3 mm) et la H2 (7 mm). Ces excellentes proportions accordent les coutumes et une standardisation bénéfique. Néanmoins ces ardoises dont on a considérablement forcé l'épaisseur, font une couverture assez lourde. Elles exigent une fixation tenace sur un fort voligeage.

On envisage que leur pérennité excède celle de tout autre moyen de couverture en petits éléments.

Tableau des principaux modèles historiques
Modèle Dimensions
2e carrée H1 300 × 200 × 4,3
Moyenne H1 270 × 180 × 4,3
2e carrée H2 300 × 200 × 7
Moyenne H2 270 × 180 × 7
Schuppen
Pavillon à la Mansart couvert de schuppen en brisis, place Klebert à Strasbourg.

En ce qui concerne l'ardoise, la France et les pays allemands développèrent indépendamment des traditions si bien distinctes dès leurs prémisses que leur influence réciproque resta quasiment nulle. Au XVe siècle on ouvrit des carrières de bonne ardoise en Thuringe, près de Lehesten puis on approfondit celles de Rhénanie et de Westphalie, près de Mayen, de Kaub et de Raumland, qui depuis l'époque romaine fournissaient des dalles et des lauzes et dont, au demeurant, on ne tira souvent que des écailles assez médiocres.

D'origine ardennaise, une façon primitive de la pose brouillée d'écailles évolua et s'affina pour couvrir les monuments et les riches maisons bourgeoises. La pierre était à peu près la même en France et en Allemagne et les charpentes se ressemblaient, pourtant les façons de couverture sont si différentes qu'un couvreur en ardoise redevient, peut-on dire, apprenti dans son art quand il passe la Moselle.

Le schuppen est probablement la plus étrange ardoise qui soit au monde. Imaginons un parallélogramme et plaçons le de sorte qu'un de ces petits côtés pose de niveau, c'est le pied. L'angle aigüe adjacent au pied reste intact, appelons le la pointe. Le grand côté attenant à la pointe : la poitrine, et le petit côté opposé au pied : la tête, se joignent par une courbure un peu indécise. Par contre il n'y a plus trace de l'autre grand côté mais à la place une courbure plus large en bas, au talon, et plus serrée pour s'unir à la tête et qu'on appelle le dos sans doute parce qu'il évoque vaguement le dos vouté du pauvre couvreur allemand qui trace ses lignes.

On distingue deux modèles de schuppen : la normaler dont la pointe mesure 74° et la scharfer dont la pointe mesure 65°. Des tracés cabalistiques permettent d'estimer un angle du talon. C'est à peu près comme mesurer un galet au rapporteur. Toujours est-il que cet angle hypothétique mesure 125° sur la normaler et 135° sur la scharfer. C'est écrit.

Il existe plusieurs formats définis par la hauteur : distance entre tête et pied, et la largeur qu'on mesure perpendiculairement à la hauteur. Ce ne sont pas des mesures précises mais des plages de valeurs qui se chevauchent et où les extrêmes s'éloignent du moyen de 10 à 15 pour cent. Un même schuppen pouvant être prétendu de deux formats différents selon le lot où on le mêle.

Et comme rien n'est aussi simple qu'on le souhaiterait, le schuppen doit tourner sa poitrine aux vents dominants, ce qui oblige à fabriquer chaque modèle, dans chaque format, en deux variétés symétriques, chacune pour couvrir un flanc de la bâtière.

Plages de tri des principaux formats de schuppen
Format Hauteur (en mm) Largeur (en mm)
1/1 400 à 500 320 à 420
1/2 360 à 420 280 à 380
1/4 320 à 380 250 à 340
1/8 280 à 340 230 à 300
1/12 240 à 300 200 à 260
1/16 200 à 260 170 à 220
1/32 160 à 220 130 à 180
1/64 110 à 180 110 à 160
Modèles ligures

Les ardoisières italienne de la vallée de Fontanabuona (province de Gênes) produisent des ardoises de couverture dans un schiste très calcaire qui aux intempéries prend une patine laiteuse. Pourtant il n'est pas inutile de préciser qu'une part du calcium qui entre dans la composition de cette roche y est présente sous forme de dolomie beaucoup moins vulnérable que la calcite.

Les modèles, épais de 8 à 12 mm, ont généralement quatre cornières et leurs chefs sont sciés et non rondis. Les dimensions les plus communes sont, en millimètres, 400 × 300, 400 × 400, 570 × 300, 570 × 400, 570 × 570.

Ces ardoises sont peu utilisées localement et moins encore dans le reste de l'Europe. On les exporte aux États unis d'Amérique pour couvrir les toits à faible pente de quelques riches résidences de Floride et de Californie. On les pose quelquefois à bain de mortier.

Normes

Sous l'ancien régime, l'ardoise de couverture ne fut définie légalement que de façon anecdotique. Les règles concernant l'épaisseur et la longueur des éléments n'étaient réellement considérées que dans le transport hors de la province d'origine ou à l'entrée des villes, selon le zèle des administrations locales et des agents de la Ferme Générale.

Le système économique libéral qui se développa en Europe dès la deuxième moitié du XVIIIe siècle favorisa les standards des quelques grandes entreprises qui exportaient massivement leurs marchandises. On n'établit de véritables normes de l'ardoise qu'après le déclin des grands bassins historiques qui commença à la Grande Guerre.

Les normes NF P32-301 (Caractéristiques générales des ardoises, août 1958), EN 12326 (Ardoises et éléments en pierre pour toiture et bardage pour pose en discontinu - Partie 1 : spécification du produit, avril 2005 - Partie 2 : méthodes d'essais, novembre 2004), les normes D.I.N., les normes belges et britanniques servirent moins à promouvoir une production ardoisière de qualité en Europe qu'à régenter la concurrence des carrières étrangères.

La mise en œuvre loyale de l'ardoise de couverture est définie par le respect des règles de l'art qui sont les façons que le maître enseigne à son apprenti. En 1977, une commission d'experts sous la présidence de Marcel Sangué publia le D.T.U. 40-11 qui fut revu en 1993 et à cette occasion augmenté d'un cahier des clauses spéciales. Ce texte enregistre quelques préceptes impératifs de la façon d'Angers.

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