Programme spatial français - Définition

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Introduction

Le programme spatial français regroupe l'ensemble des activités spatiales civiles ou militaires françaises. Celles-ci s'exercent majoritairement depuis les années 1970 dans un cadre multinational en particulier au sein de l'Agence spatiale européenne (ASE). Le Centre national d'études spatiales (CNES) est chargé de mettre en œuvre la politique spatiale et dispose à cet effet d'un budget de 1 698 millions d'euros en 2004 dont 685 millions sont reversés à l'Agence européenne au titre des programmes menés sous sa tutelle.

Le programme spatial français a bénéficié d'investissements importants à compter des années 1960 par volonté d'atteindre une autonomie nationale ce qui lui a permis de jouer un rôle moteur lorsqu’une véritable politique spatiale européenne a pu être mise en place. Le budget spatial français, bien que stagnant depuis le début des années 2000 en euros constants, est toujours en absolu le plus important des pays membres de l'Agence spatiale européenne.

Les principaux programmes en cours dans le cadre européen concernent les évolutions du lanceur européen Ariane 5, la préparation du centre spatial guyanais à l'arrivée des lanceurs Vega et Soyouz fin 2009, la participation à la station spatiale internationale (cargo ATV, etc.), les télescopes spatiaux (en 2009 Herschel et Planck), plusieurs satellites d'observation de la Terre et la mise en place du système de navigation Galileo. Faute d'avoir pu convaincre ses partenaires de créer une défense européenne, plusieurs satellites à usage militaire (observation, alerte, télécommunications, etc.) sont développés dans un cadre purement national ou en coopération avec un ou deux autres pays. D'autres programmes sont menés en collaboration notamment avec les États-Unis, l'Inde et la Chine.

Historique

Chaîne de montage du V2 dans le complexe Mittelwerk de Dora.
Photo réalisée par l'armée américaine après la prise du complexe fin avril 1945. On distingue un policier militaire américain (MP) devant la fusée.

Le programme spatial français prend véritablement naissance en 1961 lorsque le général de Gaulle décide de lancer la construction de la fusée Diamant tout en créant le Centre national d'études spatiales (CNES) chargé de coordonner les activités spatiales françaises. Mais le programme spatial français hérite à l'époque d'un ensemble de réalisations démarrées dès la fin de la seconde guerre mondiale.

Les premières fusées

L'héritage allemand 1945-1946)

À la fin des années 1930, l'Allemagne tente de contourner les limites imposées par le traité de Versailles à son armement et investit massivement dans la recherche sur les fusées en espérant développer des armes susceptibles de lui fournir une supériorité militaire. Ce faisant elle effectue des percées majeures dans le domaine de la propulsion des fusées, du guidage inertiel et de l'aérodynamique. Le missile balistique sol-sol V2 mis au point en 1944 est un échec militaire car cette arme très coûteuse ne permit de lancer que quelques milliers de tonnes d'explosifs sur des objectifs non ciblés : un tonnage inférieur à ce que larguait chaque semaine les bombardiers placés sous commandement britannique. Mais la fusée V2 disposait déjà de tous les composants des futurs lanceurs spatiaux avec un moteur-fusée de 25 tonnes de poussée consommant des carburants liquides entrainés par une turbopompe, son gyroscope et son système de pilotage automatique sophistiqué. Avant même la fin de la guerre, les spécialistes des États-Unis, de l'URSS et du Royaume-Uni, conscients du potentiel de cette arme associée avec la bombe atomique, ratissent l'Allemagne occupée et mettent la main sur les fusées et pièces détachées existantes, les plans et les spécialistes allemands. Les américains réussissent à convaincre les principaux ingénieurs de travailler pour eux et embarquent la majorité des fusées achevées et en état de marche : ces hommes formeront le noyau de spécialistes à l'origine du programme spatial américain et le premier missile balistique américain Redstone va s'inspirer fortement de la fusée V2. Les Russes débauchent un gros contingent de techniciens de rang inférieur et font reconstruire une trentaine de V2 dans l'usine allemande qui les fabriquait : ils s'en inspireront fortement pour mettre au point leurs missiles balistiques à l'origine de leurs lanceurs spatiaux.

Les représentants des armées françaises n'arrivent à récupérer ni fusée V2 complète ni documentation véritablement exploitable. Mais la Direction des études et armements français (DEFA), service de l'Armée de Terre, réussit à embaucher en 1946 plus d'une centaine de spécialistes allemands dont certains viennent d'être libérés par les Britanniques, qui ont renoncé à poursuivre leurs investigations sur la V2. Ces techniciens, dits TAP (Techniciens Anciens de Peenemünde) sont rassemblés à Vernon avec leur famille. Ils sont affectés à un nouvel organisme de recherche créé pour la circonstance le 17 mai 1946 le Laboratoire de recherches balistiques et aérodynamiques (LRBA) avec un encadrement français initialement très léger. Le LRBA qui comprend également le Laboratoire de Saint-Louis et l'ancien Établissement d'expériences techniques de Versailles-Satory a pour mission l'étude et la mise au point des futurs missiles de l'Armée de Terre. Parmi les spécialistes recrutés figurent Heinz Bringer, futur créateur du moteur Viking des fusées Ariane, Helmut Habermann, d'origine autrichienne, qui développera plus tard le palier magnétique et Otto Müller spécialiste du guidage.

Super V2 et missile PARCA (1946-1958)

La première mission du LRBA consiste à mettre au point une version améliorée de la fusée V2. La super-V2, le projet «4212», a une architecture simplifiée par rapport à la V2, comprend des réservoirs structuraux, un moteur-fusée d'une poussée portée à 40 tonnes et utilise des aciers spéciaux qui lui confère une meilleure rigidité. Il est prévu que le nouvel engin ait une portée double de la V2 soit 700 km. Mais en 1949, la DEFA décide la mise en sommeil du projet : l'armée de Terre demande au LRBA de développer en priorité un missile anti-aérien à longue portée baptisé Parca qui est destiné à combattre la menace des bombardiers soviétiques. Après une longue phase de développement et la réalisation de nombreux prototypes qui n'arrivent pas à satisfaire les spécifications attendues, le projet est arrêté en 1958 et l'armée décide de s'équiper du missile américain Hawk qui sera produit en France sous licence. Les travaux réalisés autour de ce missile permettent toutefois au LRBA d'accroitre sa maitrise dans plusieurs domaines tels que les autodirecteurs, les servomoteurs et les radars de poursuite.

La fusée Éole de Jean-Jacques Barré (1946-1952)

Un échantillon représentatif des fusées françaises des années 1960 : au premier plan missile balistique S3, au second plan de gauche à droite fusée Rubis (Pierres Précieuses), fusées sondes Bélier, Centaure et Dragon (CNET) et Véronique au fuselage noir (LRBA)

Entre 1927 et 1933 Jean-Jacques Barré, un officier d'artillerie, avait réalisé des recherches sur les fusées à titre privé avec le pionnier français de l'astronautique Robert Esnault-Pelterie. Il avait poursuivi celles-ci, à compter de 1935, sous contrat du ministère de la Guerre. Au début de la seconde guerre mondiale, ses travaux portent sur un obus-fusée engin anti-aérien propulsé non guidé de 16 kg. Après la défaite française il poursuit ses recherches en zone libre sur l'EA 1941 (EA Engin autopropulsé) : cette fusée de 100 kg longue de 3,13 m pour 26 cm de diamètre devait pouvoir envoyer une charge de 25 kg à 100 km. Elle utilise un moteur-fusée consommant de l'oxygène liquide et de l'éther de pétrole mis sous pression par de l'azote et fournissant une poussée d'une tonne. Interrompus par l'évolution du conflit, les essais de la fusée sont repris en 1945 et 1946 avec un succès mitigé (3 succès partiels sur 7 essais).

En 1946 Jean-Jacques Barré intègre le LRBA tout juste créé et entame le développement d'un prototype de missile balistique pouvant envoyer une charge de 300 kg à 1 000 km de distance. La fusée baptisée EOLE (Engin fonctionnant à l'Oxygène Liquide et à l'Ether de pétrole) reprend les caractéristiques de l'EA 1941 mais mesure 11 mètres de long pour 80 cm de diamètre et une masse de 3,4 tonnes. Après l'explosion d'un exemplaire durant un essai au banc, l'éther de pétrole est remplacé par l'alcool éthylique. Des essais au banc ont lieu entre 1950 et 1952. Barré constate alors que la fusée, qui doit être tirée depuis une rampe de 21 mètres, ne peut pas atteindre une vitesse suffisante pour être stable au décollage. En attendant la mise au point d'une solution (propulseurs d'appoint au décollage…), deux tirs sont réalisés à Hammaguir en novembre 1952 avec une fusée allégée (le plein d'ergols n'a pas été fait) mais les deux tentatives se soldent par des échecs à la suite de la destruction des empennages au moment du franchissement du mur du son. Le projet est arrêté en décembre 1952 mettant fin pour un certain temps à l'utilisation des ergols cryogéniques.

La fusée-sonde Véronique (1949-1969)

Parallèlement un développement plus modeste est entamé par les ingénieurs allemands du LRBA en 1949 : la fusée-sonde Véronique mono-étage d'un poids d'une tonne et demi au décollage dans sa version standard est propulsée par un moteur à ergols liquides d'une poussée de 4 tonnes et doit pouvoir emporter une capsule scientifique de 60 kg dans la haute atmosphère (altitude 100 km) au cours d'un vol balistique. Bien que dépourvue de système de guidage et de pilotage et dotée d'un système de mise sous pression des ergols simplifié (pas de turbopompe), la mise au point de la fusée se heurta à des problèmes d'instabilité de la combustion qui ne seront résolus qu'en 1954. Les tirs se font à partir du centre Interarmées d'essais des engins spéciaux d'Hammaguir dans le sud de l'Algérie.

Pour les recherches sur la haute atmosphère menées dans le cadre de l'Année géophysique internationale (1957-1958), une version plus puissante, la Véronique AGI, est commandée : celle-ci permet de hisser une charge utile jusqu'à 200 km d'altitude. Pour des raisons budgétaires, le premier tir n'a lieu que le 7 mars 1959. C'est un échec mais 3 jours plus tard un deuxième exemplaire atteint l'altitude de 137 km et permet de réaliser une première expérience scientifique de mesure des vents dans la haute atmosphère. 48 fusées de cette version seront tirées ainsi entre 1959 et 1969 avec un taux de réussite de 81,5%. À côté d'expériences sur la haute atmosphère, les Véronique AGI sont utilisés à plusieurs reprises pour étudier les effets de l'accélération et des vibrations sur des êtres vivants (rat, chat, singe). Une fusée Véronique AGI atteindra le 24 mars 1967 l'altitude de 365 km qui est, selon certains, l'altitude la plus élevée atteinte par ce type de fusée.

Le LRBA lance l'étude d'une fusée-sonde plus puissante à compter du milieu des années 1950 : la fusée Vesta a une longueur de 10 mètres pour 1 mètre de diamètre et une masse de 5 tonnes et est propulsée par un moteur de 16 tonnes de poussée consommant de l'acide nitrique et de l'essence de térébenthine. Les solutions techniques de la fusée Véronique ont été intégralement reprises. La nouvelle fusée doit pouvoir emporter une charge utile de 500 kg à 400 km d'altitude. Commandée tardivement en 1962 par le CNES, seuls 5 exemplaires seront tirés entre 1965 et 1969 car de nouveaux programmes (Diamant, Europa) sont devenus entre temps prioritaires.

A la fin des années 1950 le LRBA a perdu la majorité de ses spécialistes allemands retournés dans leur pays natal en plein décollage économique.

La création du programme spatial français

La naissance de la force de frappe nucléaire française (1958)

Le président Charles de Gaulle arrive au pouvoir en mai 1958. Convaincu de l'importance stratégique de l'arme nucléaire, il décide, après l'échec de négociations avec les États-Unis, que la France développera de manière autonome un missile balistique porteur de l'arme atomique. En 1959, considérant que les ministères concernés ne font pas avancer le dossier, il fait créer la SEREB (Société pour l'étude et la réalisation d'engins balistiques), une société de droit privée financée par le ministère de la Défense et supervisée par le premier ministre Michel Debré, qui doit mener à bien en tant que maître d'œuvre la réalisation de cette nouvelle arme. Le LRBA, qui a cette date est le seul organisme en France à maîtriser la propulsion des fusées se trouve réduit de fait au rôle de sous-traitant éventuel.

En 1959 le choix du mode de propulsion du futur missile n'est pas tranché. Les Américains, dont les missiles stratégiques sont opérationnels ou sur le point de l'être, utilisent à la fois des moteurs-fusées fonctionnant avec des ergols liquides (missile Redstone et Jupiter) et des propulseurs à poudre sur le missile Polaris de conception plus récente et embarqué sur sous-marin (opérationnel en novembre 1960). Les fusées à propulsion à poudre peuvent être stockées pour de longues durées et mises en œuvre rapidement, ce qui constitue un avantage important pour un usage militaire. En mars 1960 au cours d'une réunion sur le développement du futur missile le responsable du LRBA plaide pour la filière des ergols liquides bien maitrisée par son laboratoire grâce aux développements réalisés sur les fusées-sondes ; le LRBA travaille, à l'époque, sur un moteur de 20 tonnes de poussée et sur un système de guidage et de pilotage suffisamment compact pour pouvoir être emporté dans une fusée. Conscient du manque d'expérience des techniciens français dans le domaine de la propulsion à poudre, la SEREB, ne tranche pas mais des moyens importants sont mis en place pour concevoir et tester ce nouveau type de propulseur à la poudrerie de Saint-Médard-en-Jalles près de Bordeaux.

Le lancement du programme spatial français (1961)

La fusée Diamant-A premier lanceur spatial français : longueur 19 m, masse 18,5 tonnes

Conséquence de la course à l'espace lancée par les russes et les américains, le général de Gaulle décide le 7 janvier 1959 de créer le Comité de recherches spatiales (CRS) chargé d'étudier le rôle que la France peut jouer dans ce nouveau domaine. Le comité regroupe des scientifiques, des ingénieurs ainsi que des représentants des ministères et est présidé par Pierre Auger, physicien français de renommée mondiale. Ses premières décisions portent sur des expériences embarquées en 1959 sur 3 Véronique AGI dans le cadre de l'Année géophysique mondiale. La synergie potentielle entre les développements militaires en cours et le développement d'un lanceur de satellites est connue des militaires. Mais à l'époque le gouvernement français n'envisage pas de s'engager dans cette voie. En juin 1960 les ingénieurs de la SEREB réalise « sous le manteau » une pré-étude de ce qui allait devenir la fusée Diamant. Le professeur Auger, qui n'est pas au courant de ces travaux clandestins, manifeste de son côté en octobre 1960 son intérêt pour la fusée Émeraude développée dans le cadre du programme militaire. Parallèlement en octobre 1960, à l'initiative de la France et du Royaume-Uni la réalisation d'un lanceur européen est mise à l'étude.

Le 2 août 1961 le général de Gaulle, qui a finalement pris connaissance de l'étude de la SEREB, décide de profiter de l'opportunité de construire un lanceur de satellites à faible cout : il donne son feu vert à la construction du lanceur Diamant. Il annonce par ailleurs la création d'une agence spatiale, le Centre national d'études spatiales (CNES), qui reprend les attributions du CRS (sa création sera effective 7/5/1962). La fusée Diamant doit s'appuyer sur les développements effectués pour le missile stratégique : elle est constituée d'un premier étage doté d'un moteur à ergols liquides de 28 tonnes de poussée développé par le LBRA et de deux étages à propergols solides. Le troisième étage non piloté développé spécifiquement pour le lanceur civil doit permettre la satellisation d'un satellite de 50 à 80 kg. Quatre tirs sont planifiés à compter de 1965.

Le programme des Pierres précieuses (1961-1965)

Les fusées du programme des Pierres précieuses

Pour permettre la mise au point du missile et du lanceur Diamant, le SEREB, lance en 1961 le programme des « Études balistiques de base » (EBB), dits des « Pierres précieuses ». Le missile balistique sol-sol S3 doit pouvoir emmener une tête dotée d'une charge nucléaire d'une masse de 1,5 mégatonne à 3 500 km. Le développement industriel est confié principalement aux sociétés Nord-Aviation et Sud-Aviation.

Entre 1961 et 1965 toutes les connaissances nécessaires pour la réalisation d'un missile à longue portée ainsi que d'un lanceur de satellite) sont méthodiquement acquises. Plusieurs fusées sont conçues chacune étant chargée de mettre au point séparément un ou plusieurs équipements. :

  • Les fusées Aigle et Agate (8 tirs tous réussis) permettent de mettre au point les systèmes de télémesure et les installations au sol.
  • Les fusées Topaze (14 tirs dont 1 échec) qualifient le deuxième étage, les systèmes de guidage et de pilotage ainsi que le profil de la tête de rentrée du missile.
  • Les fusées Émeraude (5 tirs dont 3 échecs) valident le fonctionnement du 1er étage en particulier la tuyère orientable et des dispositifs de guidage.
  • Les fusées Saphir (3 tirs dont 1/2 échec + 6 tirs dédiés au missile) permettent de tester l'intégration 1er et 2e étage, et le guidage du missile pour les premiers étages.
  • Les fusées Rubis (6 tirs de qualification dont 2 échecs) qualifient le 3e étage de la fusée Diamant, la séparation de la coiffe et du 3e étage ainsi que le système de stabilisation et les procédures de suivi de satellisation.

La création du CNES (1962)

A la veille de son lancement par une fusée américaine, le satellite FR1 avec certains des responsables de la branche satellites du CNES et du CNET : de gauche à droite C. Fayard (CNET), X. Namy (CNES), J.P. Causse (CNES) et O. Storey (CNET) (1965)

Les débuts du CNES, qui a ouvert ses portes en mars 1962, sont modestes. Considéré comme un simple comité de coordination par de nombreux responsables, il n'arrive pas à obtenir la responsabilité de la conception des satellites que doit emporter la fusée Diamant : celle-ci est confiée au SEREB. Grâce aux contacts pris avec l'agence spatiale américaine, la NASA, par son responsable technique et scientifique J Blamont, le CNES négocie la réalisation par ses soins d'un satellite scientifique français (satellites FR-1) que les américains acceptent de lancer. L'accord prévoit qu'une douzaine d'ingénieurs du CNES iront se former à la conception des satellites dans les services de la NASA. Par contre les États-Unis refusent tout transfert de technologie dans le domaine des lanceurs civils et militaires. Par ailleurs le CNES entame la construction de 3 satellites de la série D-1 en faisant appel aux industriels français contrairement au FR-1 qui doit constituer un galop d'essai. L'activité du CNES est structurée avec la création des divisions Satellites (la plus importante), Équipements au sol et Fusées-sondes.

Le lanceur Diamant A (1965-1967)

Le premier tir de la fusée Diamant A1, le 26 novembre 1965, depuis le site d'Hammaguir est un succès : il permet la mise sur orbite du premier satellite artificiel français, baptisé Astérix : endommagé par la séparation de la coiffe, celui-ci reste muet, mais les radars de suivi permettront de confirmer que la satellisation s'est bien effectuée. Quelques jours plus tard la satellisation du satellite FR-1 par une fusée américaine Scout vient couronner cette réussite qui fait de la France la troisième puissance spatiale. Le CNES réussit à imposer ses satellites D1 sur les trois tirs suivants qui ont lieu en 1966 et 1967.

Dans le cadre du programme Diamant les principaux acteurs industriels français de l'aéronautique acquièrent la connaissance qui leur permettra de faire jeu égal avec les américains dans le domaine des lanceurs classiques dans le cadre du programme Ariane : les établissements de la future Aérospatiale pour le corps des fusées, Snecma pour la propulsion, Matra pour la case à équipements, SFENA et SAGEM pour la centrale à inertie. Des organismes de recherche comme l'ONERA (aérodynamique, propulsion), le CNET et le CNRS participent en amont aux études de conception du lanceur et des satellites.

La naissance de l'Europe spatiale : ESRO, ELDO et la fusée Europa (1960-1964)

L'étage Blue Streak

En 1960 la communauté scientifique européenne appelle de ses vœux la création d'un programme spatial scientifique européen animé par un organisme analogue au CERN. Les britanniques qui viennent d'arrêter la mise au point du missile balistique Blue Streak utilisant des licences américaines, proposent alors de développer un lanceur spatial reposant sur ce missile et une deuxième fusée restée à l'état d'ébauche - le Black Knight - qui devait permettre tester la rentrée dans l'atmosphère des têtes nucléaires du Blue Streak. Pour les britanniques l'objectif est surtout d'amortir le coût du Blue Streak (56 millions de £). En janvier 1961 général de Gaulle, sollicité, donne finalement son accord contre l'avis de ses conseillers pour le développement d'une fusée européenne à trois étages, baptisée Europa, utilisant comme premier étage le Blue Streak.

Début 1962, six pays européens décident de créer l'ELDO, (European Launcher Development Organisation en français, CECLES, Centre européen pour la construction de lanceurs d'engins spatiaux) pour mettre au point le lanceur Europa. Les développements sont partagés entre les pays membres : le deuxième étage est de conception française, le troisième étage est réalisé par l'Allemagne tandis que l'Italie, la Belgique et les Pays-Bas se partagent la réalisation des stations de guidage et de télémesure ainsi que le développement d'un satellite. Il est prévu que le lanceur puisse placer sur une orbite basse un satellite de 1 000 kg.

Parallèlement la communauté scientifique de 9 pays européens (les précédents moins l'Allemagne plus la Suède, la Suisse, le Danemark et l'Espagne) décident de créer l'ESRO (European Space Research Organisation en français CERS Conseil européen de recherches spatiales) pour la réalisation de satellite artificiels scientifiques. Les deux organisations sont mises effectivement en place en 1964.

La création du centre de lancement de Kourou (1964)

Suite à l'indépendance de l'Algérie, les accords d'Évian en 1962, prévoient l'abandon par la France de la base de lancement d'Hammaguir à compter de juillet 1967. Le CNES, qui est chargé de trouver une base de substitution, étudie quatorze sites dans les départements d'outre-mer ainsi que dans des pays étrangers comme le Brésil ou l'Australie. Tous les sites étudiés ont comme point en commun d'être près de l'équateur car cette position offre des conditions idéales pour les lancements d'engins spatiaux. L'effet de fronde qui est généré par la rotation terrestre près de l'équateur permet d'obtenir 15% de gain de performance supplémentaire par rapport à la base de lancement de Cap Kennedy situé plus au nord.

Le rapport du CNES préconise la Guyane, qui offre plusieurs avantages comme le faible densité de population et la large ouverture sur l'océan Atlantique qui permet ainsi de réduire les risques en cas de problème avec le lanceur. La façade maritime permet également de faire des lancement de satellites sur l'orbite polaire dans des conditions optimales. En outre, la zone n'est pas sujette aux tremblements de terre et aux cyclones. De plus, la Guyane fait partie intégrante du territoire français, ce qui présente également l'avantage de la stabilité politique. Le premier ministre de l'époque, Georges Pompidou, suit ces recommandations et le 14 avril 1964 fait passer un arrêté ministériel qui crée le Centre spatial guyanais à Kourou.

Les lanceurs du CNES : Diamant B et BP-4

Le CNES s'est vu en 1961 confié la responsabilité du développement du deuxième étage Coralie de la fusée Europa. Mais en 1966 le CNES que préside à l'époque le général Aubinière et qui ne s'était jusqu'alors occupé que de satellites, souhaite disposer de son propre lanceur pour prendre la suite du lanceur Diamant A développé avec les militaires. En juin 1967 après des négociations difficiles avec ces derniers, le CNES obtient le feu vert gouvernemental pour la réalisation d'un lanceur dont le développement industriel est confié au LRBA (pour la propulsion liquide), à Nord et Sud Aviation pour les trois étages du lanceur et à Matra pour la case à équipements. Pour des raisons financières la nouvelle fusée n'est qu'une évolution de Diamant-A dotée d'un premier étage allongé utilisant des propergols plus efficaces (UDMH+ N2O4) et d'un troisième étage plus performant. La fusée Diamant-B doit permettre de placer un satellite de 115 kg sur une orbite de 500 km.

Le premier lancement réalisé en 1970 depuis la base de Kourou est un demi-échec à cause d'un effet pogo mal maîtrisé. Suivent deux lancements qui permettent de placer les satellites Peole (1970) et Tournesol (1971). Mais les deux derniers lancements (1971 et 1973) se soldent par un échec. Le doute s'installe sur la pertinence d'un programme qui par ailleurs fait double emploi avec le lanceur européen qui rencontre à l'époque d'importantes difficultés. Néanmoins le CNES est autorisé à développer une dernière version plus puissante, la Diamant BP-4, obtenue en remplaçant le deuxième étage par un étage de missile balistique. Celle-ci permet de placer jusqu'à 220 kg sur une orbite circulaire de 200 km. Les trois tirs réalisés en 1985, tous couronnés de succès, permettent de placer les satellites Starlette, Castor et Pollux et Aura. Ce sont les derniers tirs d'un lanceur civil purement national.

L'échec de la fusée Europa

Le premier tir d'un élément de la fusée Europa a lieu à Woomera (Australie) en juin 1964 : c'est un succès mais il ne porte que sur le premier étage déjà rodé Blue Streak tandis que les étages français et allemands n'en sont encore qu'au stade de l'étude. Or depuis la mise en place du programme Europa la donne à changé. Les observateurs européens les mieux informés savent que les capacités de la fusée ne sont pas adaptées au marché des satellites de télécommunications qui est en train de se dessiner mais qui suppose de disposer de lanceurs plus puissants. En janvier 1965 la France tente de convaincre ses partenaires au sein de l'ELDO de modifier les spécifications de la fusée en intégrant un deuxième étage cryogénique (technique que la France a commencé à explorer) permettant de placer un satellite en orbite géostationnaire. Mais la maitrise d'une telle technologie est un pari audacieux et elle nécessite de repousser les premiers lancements en 1970. Un compromis est trouvé : un quatrième étage est inclus dans les développements pour permettre l'atteinte de l'orbite géostationnaire. Le Royaume-Uni irrité, entre autres, par les dépassements budgétaires et la volonté française de substituer Kourou à Woomera comme base de lancement réduisent en juin 1966 leur participation de 38,79% à 27% après avoir menacé de se retirer.

Les premiers essais de l'étage français Coralie seul puis de la fusée Europa assemblée ne contribuent pas à faire renaitre la confiance : l'étage français lancé avec uniquement un troisième étage inerte (ensemble CORA) rencontre 2 échecs pour 3 vols (1966-1967); les deux lancements de la fusée Europa complète qui ont lieu en 1967 (mais troisième étage inerte) se soldent également par des échecs car l'étage Coralie refuse de s'allumer.

La renaissance du programme spatial européen

La création de l'Agence spatiale européenne

La fusée Ariane

Premier vol d'Ariane 4, le 15 juin 1988.

Malgré l'échec de la fusée Europa II en novembre 1971 et l'abandon du projet Europa III, la France avait proposé la création d'un lanceur dans le prolongement de l'expérience réussi de la fusée Diamant, le L3S. Les pays européens eurent du mal à se mettre d'accord : les britanniques préféraient financer leur satellite maritime MAROTS, les allemands leur module Spacelab emporté par la navette spatiale. Les États-Unis tentèrent de détourner les pays européens de leur intention de développer leur propre lanceur mais les restrictions imposées en échange de l'utilisation de leurs lanceurs, en particulier pour le lancement du satellite Symphonie apportèrent des arguments à la position du gouvernement français qui souhaitait que l'Europe devienne autonome pour le lancement de ses satellites. Le 31 juillet 1973 à Bruxelles, les pays européens parvinrent à un accord qui permettait de financer les projets préconisés par les principaux participants, le projet Ariane était lancé.

Maquettes à l'échelle 1 des fusées Ariane 1 et 5.

Le programme Ariane, d'un coût de 2,063 milliards de francs fut principalement contrôlé et financé par la France, ce qui devait permettre d'éviter les errements dus aux problèmes de communication entre pays participants: elle assura 60% du budget, s'engagea à payer tout dépassement de plus de 120% du programme. En contrepartie, le CNES français fut maître d'œuvre, l'Aérospatiale l'architecte industriel.

Les deux agences spatiales européennes, l'ELDO et l'ESRO, sont fusionnées le 15 avril 1975, pour donner naissance à l'Agence spatiale européenne (European Space Agency), qui rassemble onze pays (Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, France, Royaume-Uni, Pays-Bas, Irlande, Italie, Suède, Suisse, puis Autriche, Norvège, Finlande), auxquels s'ajoute un membre associé non européen, le Canada. Les pays membres s'engagent à verser une certaine somme pour financer le programme commun, et avaient la possibilité de financer d'autres projets spécifiques. Une société privée, Arianespace, est créé en 1980 pour gérer et commercialiser le nouveau lanceur Européen.

Le but du programme européen Ariane est à l'époque de se rendre indépendant des technologies américaines et russes, et de pouvoir lancer un ou deux satellites gouvernementaux par an; il n'était par prévu de développer une activité commerciale. L'utilisation du pas de tir de Kourou, inauguré en 1968, fut un atout grâce à sa localisation près de l'équateur, position qui augmente les capacités de tir des fusées pour les satellites commerciaux placés en orbite géostationnaire. La première fusée Ariane était dotée de trois étages, mesurait 47 mètres de haut, pesait 210 tonnes, et grâce à se poussée de 240 tonnes, pouvait placer en orbite géostationnaire des satellites de 1 700 kg. Son premier essai de tir eu lieu le 15 décembre 1979, mais un problème de capteur de pression arrêta les moteurs; un deuxième essai, le 22, fut annulé à cause d'un problème de séquence d'amorçage. Finalement, le dernier essai de tir, le 24 décembre réussit parfaitement.

La carrière de ce lanceur, commencée le 24 décembre 1979 et terminée fin 1998, fut un succès, 110 des 118 tirs réussirent, le lanceur s'octroya 50% des parts du marché des satellites commerciaux. Elle fut donc réutilisée et modifiée, et ses versions 2, 3 puis 4 connurent la même réussite, installant l'Europe comme acteur majeur de l'économie spatiale.

Ariane 5

Un budget de 42 milliards de francs fut alloué à la création d'un lanceur totalement nouveau, Ariane 5, doté d'un nouveau moteur Vulcain, qui devait grâce à sa puissance accrue permettre de baisser les coûts et d'emporter la navette Hermès (un programme de navette française puis européenne abandonné en 1992). Ariane 5, haute de 52 mètres, pesant 718 tonnes pour 1000 tonnes de poussée, connut un échec lors de son premier tir du 4 juin 1996, à cause d'un problème de trajectoire qui avait obligé les responsables à détruire la fusée et ses quatre satellites en vol. Depuis, Ariane 5 a effectué de nombreux lancements, et a atteint une fiabilité de 95%.

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